Barack Obama arme-t-il Al-Qaïda?
Dimanche, le New York Times a publié un long article de David E. Sanger « L’écoulement des armes rebelles serait au profit des djihadistes en Syrie » qui a fait écho dans les médias internationaux.
L’histoire, citant des responsables américains et des diplomates du Moyen-Orient, affirme que la plupart des armes livrées à la demande de l’Arabie saoudite et du Qatar pour approvisionner les groupes rebelles qui combattent le gouvernement syrien de Bachar al-Assad vont aux djihadistes islamiques, et non aux groupes d’opposition les plus laïques que l’Occident veut renforcer.
« Cette conclusion, dont le président Obama et d’autres hauts responsables ont conscience à partir des évaluations classées du conflit syrien« , continue l’histoire, « jette le doute sur le fait que la stratégie de la Maison Blanche d’intervention minimale et indirecte dans le conflit syrien accomplisse son dessein d’aider l’opposition démocratique à renverser un gouvernement oppressif, ou si au contraire cette stratégie sème les graines de futures insurrections hostiles aux Etats-Unis ».
Un responsable américain familier avec les grandes lignes de ces conclusions a déclaré au Times que «Les groupes d’opposition qui reçoivent le plus d’armes sont exactement ceux que nous ne voulons pas ».
Compliqué: est que les Etats-Unis n’envoient pas des armes aux groupes rebelles directement, et ne fournit que des renseignements et du soutien aux expéditions d’armes légères de seconde main, comme les fusils et les grenades en Syrie. L’expédition est elle-même orchestrée par l’Arabie Saoudite et le Qatar.
Cela peut se transformer en un sujet sensible à la veille de l’élection du 6 novembre et devenir embarrassant pour le président américain Barack Obama. Des militants djihadistes armés liés à Al-Qaïda (et non à de vrais démocrates), c’est quelque chose que le public américain n’est pas prêt à avaler.
D’autre part, comme le Times le souligne, l’histoire « remet également en question la stratégie de la Syrie tracée par Mitt Romney ». Dans un récent discours à l’Institut militaire de Virginie, M. Romney a dit qu’il ferait en sorte que les groupes rebelles « qui partagent nos valeurs obtiendraient les armes dont ils ont besoin pour vaincre les tanks, les hélicoptères et les avions de combat d’Assad ». Alors maintenant, il est temps pour M. Romney, soit de reconnaître que ses valeurs sont partagées par les djihadistes, soit d’admettre que les armes vont aux mauvais hommes.
En effet, les révélations faites par le journal ne révèlent rien de nouveau.
Le fait que les plus proches alliés américains au Moyen-Orient, l’Arabie saoudite et le Qatar, fournissent des armes aux éléments les plus radicaux islamistes n’est pas une surprise. Au contraire, il serait surprenant que les deux pays avec les régimes islamistes radicaux les plus oppressifs fournissent des armes aux partisans de la démocratie. Et il est fort peu probable que les Etats-Unis n’aient pas été informés de ce fait, dès le début. Lorsque le contrôle du «Grand Moyen-Orient» est en jeu, il faut fermer les yeux sur la vraie nature de ses alliés, tant qu’ils soutiennent sa lutte contre les ennemis, comme la Syrie ou l’Iran.
Alors, quel genre d’opposition laïque « partageant les valeurs américaines» recherchaient les Etats-Unis dans une guerre qui, dès le début montrait son caractère religieux? La majorité sunnite soutenue et incitée par l’Arabie saoudite et le Qatar mène une guerre totale contre tous les autres groupes religieux en Syrie, et pas seulement la famille Assad et même pas la minorité alaouite chiite. S’il est un fait reconnu qu’Al-Qaïda est l’outil le plus puissant utilisé par les factions les plus radicales islamistes sunnites, il n’est pas étonnant que les livraisons d’armes orchestrées par les Saoudiens et les Qataris aillent directement aux groupes affiliés d’al-Qaïda.
Quant à al-Qaïda lui-même, trop de choses ont été dites ; comme quoi en 1980, le groupe a été créé par les États-Unis comme un groupe militant affilié à la CIA pour lutter contre les Soviétiques en Afghanistan. Le fait que plus tard, il ait tourné ses armes contre son créateur est le résultat d’une erreur de calcul manifeste par ce dernier.
Mais comme les événements en Libye l’ont montré, les États-Unis n’a rien appris de ses erreurs passées. La campagne visant à renverser Kadhafi et le mettant finalement en pièces, avec tant d’enthousiasme soutenu par les Etats-Unis et ses alliés de l’OTAN, a finalement abouti à l’assassinat de l’ambassadeur américain.
Maintenant, les Etats Unis tente obstinément de faire tomber la même brique sur ses propres orteils.
Et il importe peu de savoir si l’histoire du Times aidera Obama ou Romney. Celui que les électeurs américains éliront en novembre, sera inévitablement Obamney, ce qui signifie que la politique ne va pas changer.
Traduction à partir d’un article de Boris Volkhonsky
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