Rav Ovadia Yossef nous a quitté… Baroukh Dayan Aemet
Le rabbin Ovadia Yossef, ancien grand rabbin séfarade d’Israël, était un érudit talmudique de renommée mondiale. Symbole de l’émancipation du judaïsme orthodoxe séfarade, son autorité rayonne chez de très nombreux juifs en Israël comme en Diaspora.
Le Rav Ovadia Yossef nous a quitté aujourd’hui, le lundi 7 octobre, à l’âge de 93 ans. Le chef spirituel du mouvement Shas avait été hospitalisé le 22 septembre dernier. Après avoir été mis sous respirateur et coma artificiels, samedi 28 septembre, le Rav ouvrit les yeux. Quelques jours plus tard, il réussissait à respirer par lui-même. Malheureusement ce matin, la famille du Rav a été appelée à son chevet, son état s’étant considérablement détérioré dans la nuit.
Né à Bagdad le 23 septembre 1920, il émigre à Jérusalem avec sa famille à l’âge de 4 ans. Durant son adolescence, il étudia à la yeshiva Porat Yosef où il bénéficia de l’enseignement du rabbin Ezra Attiya (1885-1970), l’un des plus grands maîtres de la Torah du 20ème siècle dans le monde séfarade.
On raconte que le jeune Ovadia a soudainement cessé de venir à la yeshiva et qu’après plusieurs jours d’absence Rabbi Attuya, inquiet, s’est rendu à son domicile. Le père d’Ovadia lui expliqua qu’il avait besoin de son fils pour travailler avec lui dans sa petite épicerie. Choqué par la pauvreté de la famille, le rabbi Attiya tenta tout de même de convaincre le père, en vain. Le lendemain, il se rendit à l’épicerie du père et lui expliqua qu’il venait pour travailler sans percevoir de salaire afin qu’Ovadia puisse revenir à la yeshiva. «L’étude de votre fils est plus importante que mon temps», lui dit-il. Le père laissa donc Ovadia retourner étudier la Torah. À l’âge de 20 ans, Ovadia Yossef fut ordonné rabbin.
En 1947, le fondateur de la yeshiva Ahavah VeAchvah au Caire, Rabbi Aharon Choueka, l’invita à enseigner dans son école talmudique. Il se rendit donc en Egypte et présida également le tribunal rabbinique du Caire, à la demande du rabbin Meir Ben-Zion Uziel Hai.
Trois ans plus tard, le Rav retourne en Israël pour étudier dans le midrash Bnei Zion, dirigé par le Rav Tsvi Pessa’h Frank. Il siégea au tribunal rabbinique de Petah Tikva où il connut un grand succès en raison de sa connaissance de la halakha. Entre 1958 et 1965, le rabbin Yosef a également servi comme juge rabbinique à Jérusalem. Il a ensuite été nommé à la Cour d’appel suprême rabbinique à Jérusalem, devenant ainsi le rabbin séfarade en chef de Tel Aviv en 1968. Il occupera ce poste jusqu’en 1973, date à laquelle il fut élu rabbin séfarade d’Israël en remplacement de Rabbi Its’hak Nissim.
En 1951, il publia son livre sur les lois de Pessah intitulé ‘Hazon Ovadia, qui rencontra un franc succès et reçut l’approbation d’un grand nombre de Gdolim, y compris les deux grands rabbins d’Israël à ce moment-là : le Rav Meir Ben -Zion Uziel Hai et le Rav Yitzhak Halevy Herzog. Deux ans plus tard, il fonde la Yeshiva Or HaTorah pour les étudiants séfarades doués. Elle fut la première de nombreuses autres yeshivot que le Rav créa pour faciliter l’étude de la Torah aux Juifs séfarades.
En 1970, le Rav Ovadia Yossef reçut le Prix Israël des livres de Torah, après la publication de 5 volumes de son œuvre maîtresse Yabia Omer.
En 1983, le Rav Ovadia Yossef termina son mandat de Grand Rabbin d’Israël. L’année suivante il créa et présida le Conseil des Sages de la Torah qui a conduit à la création du parti Shass.
Un rabbin révolutionnaire
Certaines des prises de position de Rav Ovadia Yossef ont considérablement influencé la vie politique israélienne. Il déclara en 1973 : «Je suis arrivé à la conclusion que les Falashas sont des descendants d’une tribu d’Israël… et j’ai décidé qu’à mon avis les Falashas sont juifs». En confirmant la judéité des Juifs d’Ethiopie, il amorça les célèbres opérations de sauvetage des années 1980 et le gouvernement israélien autorisa officiellement l’émigration des Juifs éthiopiens.
Par ailleurs, il permit aux femmes des soldats disparus pendant la guerre de Kippour de se remarier. Des études minutieuses cas par cas, des jugements de diverses époques de l’histoire talmudique amenèrent le Grand rabbin d’Israël à trancher et en quelques mois, des dizaines de femmes ont ainsi pu être libérées de leur statut d’agouna.
De par ses décisions, le Rav Ovadia Yossef, appelé Maran par certains, s’est souvent démarqué de la tutelle ashkénaze perçue parfois comme trop oppressante par les Juifs séfarades. En effet, l’establishment a toujours été composé d’ashkénazes, que ce soit du point de vue laïc ou religieux. Aussi, les plus grandes autorités rabbiniques (Rav Kook, Rav Shakh, …) ont pendant longtemps été issues du monde ashkénaze. Les étudiants séfarades, même les plus brillants étaient victimes d’une discrimination notoire et n’avaient pas toujours le droit d’étudier dans les grandes yeshivot.
Rav Ovadia Yossef, né en Irak d’une famille pauvre et méconnue, a réussi à faire une carrière rabbinique considérable en Israël. Ainsi, il permit à la communauté séfarade de ne plus rester sous la coupe des leaders ashkénazes et de retrouver sa fierté.
Un rabbin très controversé
Le Rav Ovadia Yossef a tenu des propos très controversés, voire choquants. Il déclara notamment en 2000, à propos de la Shoah : «Les six millions de malheureux juifs qu’ont tués les nazis ne l’ont pas été gratuitement. Ils étaient la réincarnation des âmes qui ont péché et ont fait des choses qu’il ne fallait pas faire». En 2009, il affirma également : «Toutes les calamités qui ont frappé le peuple d’Israël sont rattachées au crime du veau d’or. Les tragédies endurées à travers les générations, la Shoah, l’Inquisition, en font partie (…) Tout le monde veut trouver une explication à la Shoah. Malheur à nous qui avons péché. Il va sans dire que nous croyons en la réincarnation. La Shoah est la réincarnation de nos âmes. Notre maître, le Ari, a dit qu’il n’y a aucune nouvelle âme dans notre génération. Toutes ont déjà existé avant de revenir dans ce monde».
En 2003, il s’attaqua aux ashkénazes : «Tous les problèmes viennent des Ashkénazes… Vous les Juifs ashkénazes, vous avez été en Occident, en enfer. Pourquoi êtes-vous venus ici ? Ce que vous dites ou faites est sans importance».
Ses éventuels successeurs
Cela fait quelques semaines que des bruits courent quant à la succession du Rav Ovadia Yossef. Trois Rav seraient susceptibles de lui succéder: le Rav Itzhak Yossef, le fils du Rav Ovadia Yossef; le Rav Shlomo Amar, l’ancien Grand-Rabbin séfarade d’Israel; et enfin le Rav Shalom Cohen (Shass) qui avait, il y a quelques mois, qualifié d’ »Hamalek » ceux qui avaient voté pour le parti de Bennett, Habayit Hayehoudi.
En dépit de ses dires contestés, le Rav Ovadia Yossef reste une figure incontournable de la vie politique et religieuse en Israël. Le monde juif a perdu un Gadol.
Par Amandine Allouche
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